#VosQuestions « Est-ce que vous regrettez votre démission du gouvernement ? »

Depuis onze mois, j’ai pris le temps de réfléchir à ce qu’il s’est passé. Et il faut tout de même un peu de temps pour que les choses retombent et pour pouvoir sereinement analyser ce qui s’est passé.

De cette histoire je conserve en fait trois regrets essentiels, trois erreurs.

Ma première erreur est de ne pas avoir été assez attentif à ce que la sobriété que j’avais imposée à la présidence de l’Assemblée soit plus visible : trois photos ont ruiné médiatiquement un bilan pourtant incontestable :  des économies, pour le budget de l’Assemblée, baisse de 13% de dépenses de représentation de la Présidence, baisse de 13% sur les salaires du cabinet, baisse de 35% sur les frais de déplacement du président… J’ai initié la suppression du régime spécial des retraites des députés ( ce qui représentera une économie de 30% sur les futures retraites des députés). Eh bien, tout cela ne pèse rien face à la mise en scène autour de trois photos. Ça c’est un regret : ne pas avoir assez transformé l’Assemblée sur des symboles, n’avoir pas été assez attentif aux apparences, n’avoir pas assez veillé à ce que ces économies soient visibles.

Le deuxième regret, ma deuxième erreur, c’est d’avoir été trop négligent dans mon organisation personnelle. Je n’ai pas démissionné à cause des homards comme on le lit souvent : seuls trois diners ont été considérés comme des dîners à caractère privé, et j’ai remboursé l’Assemblée de leurs frais d’organisation. Si j’ai démissionné, c’est parce que je n’étais pas capable de prouver dans l’instant que je n’avais pas financé des cotisations à mon ancien parti avec mes frais professionnels. Il m’a fallu une semaine, après m’être libéré de mes obligations ministérielles, pour retrouver les preuves qui ont clairement établi ma probité. D’ailleurs, je rappelle qu’aucune enquête ni poursuite judiciaire n’a été engagée à mon encontre. Cette désorganisation - qui est le fruit de changements de banque, de déménagement, d’un sens peu développé du rangement- j’en suis seul responsable, et je l’ai payée au prix fort. C’est ma deuxième erreur.

Mais je crois que mon erreur la plus lourde a été l’absence de lucidité face à ce qui m’arrivait. Tout entier consacré à l’action ministérielle, je ne me suis pas assez méfié des chausses-trappes qui jalonnent la vie politique, les coups tordus comme on dit. J’ai également commis l’erreur de vouloir répondre à ceux qui m’accusaient comme si c’était un échange entre gens de bonne foi. Or ce n’était pas le cas : j’étais une cible à abattre. Par tous les moyens, y compris en inventant de toutes pièces des affaires comme sur l’appartement que je louais à Orvault, dont certains sont encore aujourd’hui persuadés qu’il s’agissait d’un logement social occupé indûment – alors que la simple lecture du bail prouvait que ce n’était pas le cas. J’ai probablement sous-estimé le fait que tous les ministres de l’écologie ont du faire face à ce type de campagnes de déstabilisation. J’ai péché par manque de méfiance. Sur ceux qui voulaient que je quitte le ministère de l’écologie, et sur ceux qui ont fait de moi une cible à abattre, j’ai appris.

Est-ce que je regrette cette démission ? Oui et non : oui, parce que si j’avais pû immédiatement apporter la preuve de ma bonne foi, j’aurais pu répondre aux accusations. Mais non, parce que j’étais pris dans un tourbillon d’accusations successives qui m’empêchaient d’agir. En prenant la décision de quitter le gouvernement, j’ai placé l’intérêt collectif du Président, du gouvernement et de la majorité parlementaire au-dessus de mon intérêt personnel.