L’Assemblée nationale face au coronavirus : un défi démocratique

La crise brutale du coronavirus, le confinement qui a dû être décidé pour contenir la progression du virus nous ont familiarisé avec un nouveau concept : celui du « mode dégradé ». Pour s’adapter aux nouvelles règles, chacun a dû modifier sa manière de vivre, sa manière de travailler.

Le fonctionnement du Parlement n’a pas échappé à ce mode dégradé, d’autant que le Palais-Bourbon a été un foyer de contamination de l’épidémie dès début mars, avec plusieurs députés, collaborateurs et fonctionnaires contaminés par le virus.

A l’Assemblée nationale, le télétravail généralisé des personnels administratifs et des collaborateurs de députés, la limitation des rassemblements physiques des députés ont bien entendu profondément modifié la vie du Palais Bourbon. Et les textes qui ont dû être adoptés ont donné, par la voie des ordonnances, des pouvoirs de réaction exceptionnels au gouvernement pour prendre, en urgence, les décisions que la situation imposait.

Depuis le 17 mars, les députés, soumis aux mêmes règles que tous les Français et c’est normal, continuent donc leur travail dans des conditions particulières : concrètement, cela signifie un lien exclusivement téléphonique, par mail ou en visioconférence avec leurs collaborateurs, le maintien d’une fonction ininterrompue d’interface entre leurs concitoyens et les services de l’État ou le gouvernement (et les questions, souvent très concrètes, ont été nombreuses !), la poursuite du travail des commissions en version dématérialisée, la tenue, dans des conditions certes frustrantes mais qui se sont récemment améliorées, de la séance hebdomadaire des questions au gouvernement.

L’examen des textes législatifs adoptés dans l’urgence a dû également se faire dans des conditions dégradées, notamment pour le travail en commission et pour l’examen et la mise au vote d’amendements.

Le Parlement, même en mode dégradé, ne saurait devenir un parlement effacé, estime François de Rugy.

Désormais, et en attente du plan de déconfinement que l’institution devra adopter très prochainement pour envisager l’après-11 mai, réunions de groupe ou de commissions se font en vidéo, et la jauge maximale d’accès à l’hémicycle, pour les députés, est fixée à 75 représentants (sur 577 élus).

« Chacun conçoit que le déconfinement progressif n’offre pas de visibilité sur un horizon de « retour à la normale » : comme toutes les institutions, toutes les entreprises, le Parlement gagnerait donc à mettre à profit cette crise inattendue pour innover, pour mettre en place des dispositifs inédits, éventuellement pérennisables d’ailleurs s’ils s’avéraient efficaces et porteurs d’améliorations.

La période pourrait également être mise à profit pour se fixer de nouveaux objectifs, sur des champs de compétences encore insuffisamment explorés du Parlement.

La conférence des Présidents a mis en place une mission qui associe tous les groupes politiques, pour assurer l’évaluation et le contrôle de l’action du gouvernement sur la crise du coronavirus : c’est un premier pas, et le travail d’identification de notre niveau de préparation aux crises, de notre mode de réaction est si considérable qu’il ne suffira probablement pas.

Mais alors que des secteurs entiers de la vie de notre Nation se préparent à sortir du confinement, les retours d’expérience des députés seront précieux, conclut François de Rugy.

 

Dans les prochaines semaines, il faudra probablement à l’Etat redéfinir ses niveaux d’intervention les plus pertinents, envisager des transferts réels de compétences aux acteurs locaux, remettre en cause certains circuits de décision qui constituent des freins à une action efficace pleinement en adéquation avec la diversité d’un territoire et d’une société qui fondent le fameux archipel français.

 Ne laissons pas à la technostructure la responsabilité de réformer la technostructure.

 

La crise imprévisible à laquelle nous faisons face ne joue finalement, pour tous les pays qu’elle frappe, que le rôle de révélateur de forces et de faiblesses préexistantes.

Analyser les forces de l’organisation du pays et les conforter, identifier les faiblesses et engager les réformes susceptibles d’améliorer les choses, n’est-ce pas là le rôle du Parlement ? »